Les flux de patients

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1       Les différentes catégories de patients

Durant le déroulement d’un essai apparaissent différentes catégories de patients [1].

Les patients présélectionnés (« screened patients ») correspondent aux patients qui ont été évalués en vue d’une inclusion dans l’essai. Après exclusion des patients non éligibles, les patients restants sont effectivement inclus dans l’essai. La différence entre le nombre de patients envisagés et ceux effectivement inclus permet d’évaluer grossièrement si la population des patients inclus est représentative de la population ciblée. Les raisons de non-éligibilité doivent être précisées : critères d’exclusions, refus de consentement, autres raisons. Un fort taux de non-inclusion sans raison particulière peut faire suspecter des exclusions arbitraires.

Ces non inclusion n’introduisent pas de biais mais peuvent fausser la représentativité des patients inclus dans l’essai. La généralisabilité d’un résultat se juge donc non seulement sur les critères d’inclusion et d’exclusion de l’essai mais aussi sur ce qui c’est passé durant cette phase de sélection.

Par exemple, dans de nombreux essais de statines [2] les patients ont eu, avant inclusion définitive, un traitement d’essai de quelques semaines par la statine (« run-in ») afin de vérifier leur tolérance à ce médicament. Durant cette période, les patients qui présentaient des signes musculaires cliniques ou biologiques ont été exclus. Lors de l’analyse de la balance bénéfice –risque, il convient de ne pas oublier que les bons résultats obtenus l’ont été chez des patients qui ne présentaient pas de signe précoce d’intolérances musculaires. En pratique, il convient d’instaurer un traitement au long court qu’après avoir évaluer la tolérance, de la même manière que dans l’essai.

Le nombre de patients randomisés dans chaque groupe représente la valeur de référence à partir de laquelle se positionnent tous les autres effectifs. Le nombre de patients randomisés doit être similaire entre les groupes de l’essai (en dehors d’une randomisation volontairement déséquilibrée). Un déséquilibre important fait suspecter une défaillance de la randomisation et/ou des exclusions secondaires cachées. Dans tous les cas, la comparabilité initiale des groupes est remise en cause.

Les patients évalués (« analyzable patients ») sont ceux qui sont effectivement pris en compte dans l’analyse statistique et qui contribuent à l’estimation de l’effet traitement. Nous avons vu que ce nombre doit être identique au nombre de patients randomisés pour éviter les biais (biais d’attrition, cf. analyse en intention de traiter). Une différence entre nombre randomisé et nombre évalué peut être due :

·         aux patients perdus de vue ou pour lesquels le critère de jugement est indisponible,

·         aux sorties d’essai, c’est-à-dire à des patients qui, après randomisation, sont retirés de l’essai et exclus de l’analyse. De telles exclusions ne sont pas acceptables au niveau de l’analyse primaire car elles font courir un risque important de biais (cf. analyse en intention de traiter). L’expression « sortie d’essai » devrait être bannie du vocabulaire de l’essai thérapeutique !

D’autres catégories de patients documentent le devenir de la population incluse au cours du déroulement de l’essai.

Figure 1 – Les principaux flux de patients dans un essai thérapeutique

Le nombre d’arrêts de traitement prématurés représente le nombre de patients qui ne sont pas allé au bout du traitement prévu par le protocole. Les raisons d’arrêt prématuré permettront d’identifier s’il s’agit d’un problème de faisabilité (traitement trop lourd à mettre en œuvre, difficile à suivre par le patient, etc.), de tolérance ou d’efficacité (arrêt des traitements pour inefficacité ou aggravation de la maladie, voir décès).

Le nombre de patients traités uniquement avec le traitement alloué, c’est-à-dire chez lesquels il n’y a pas eu d’interruption du traitement ou de recours à une autre thérapeutique, permet d’apprécier le contraste existant entre les deux groupes en terme de traitement.

Dans les essais contre placebo, c’est le nombre de patients ayant reçu un traitement actif qui témoigne d’une éventuelle atténuation du contraste entre les groupes. Dans le groupe placebo, ce nombre est celui des patients qui ont reçu un traitement concomitant actif, tandis que dans le groupe traité il s’agit du nombre de patients recevant soit le traitement étudié soit un traitement concomitant actif. Les patients ayant arrêté prématurément le traitement étudié sans recevoir d’autre traitement actif ne sont pas comptés.

Le nombre de patients traités à la fin du suivi est informatif dans les essais le longue durée, comme les essais de prévention (par exemple un essai de morbi-mortalité avec un anti-hypertenseur) où il peut y avoir une forte proportion de patients prenant un traitement actif en fin d’essai.

Ces nombres d’arrêts de traitement prématurés, de patients ayant reçu un traitement actif permettent de discuter les raisons d’un résultat négatif : les deux groupes ont reçu en même proportion un traitement actif ou de nombreux patients du groupe expérimental n’ont pas été traités de façon optimale.

Le nombre de patients ayant terminé le suivi prévu permet d’évaluer le recul moyen d’observation et donc d’apprécier si les résultats sont le reflet de l’effet du traitement au bout du suivi moyen ou s’ils représentent majoritairement un effet à plus court terme (cf. analyse des courbes de survie).

1       Lecture critique

En lecture critique, la grille proposée ci-dessous apporte une aide à l’extraction ou à la reconstitution de ces effectifs.

Tableau 1 – Tableau récapitulatifs des différents effectifs et flux de patients identifiable dans un essai thérapeutique

RECRUTEMENT

Nombre de patients dont l’éligibilité a été évaluée (patients présélectionnés)

(1)

Nombre total de non inclusion

a+b+c

critère d’exclusion

a

refus de consentement

b

autres raisons

c

Nombre de patients inclus

(2) = (1) - (a+b+c)

 

RANDOMISATION

 

Groupe
expérimental

Groupe contrôle

Patients randomisés

(1)

(1)

décès

a

a

perdu de vue

b

b

sortie d’essai (exclusion secondaire)

c

c

donnée manquante

d

d

Patients évalués

(2)=(1)-a-b-c-d

(2)=(1)-a-b-c-d

arrêt de traitement

e

e

prise d’un traitement « actif » hors comparaison

f

f

inclusion à tort

g

g

autres déviations au protocole

h

h

Population per-protocole

(3)=(2)-e-f-g-h

(3)=(2)-e-f-g-h

patients ayant terminé le suivi prévu

-

-

patients ayant reçu la totalité du traitement prévu

-

-

 

La recommandation « CONSORT »[3] (cf. chapitre Lecture critique) propose qu’un graphique de flux (« flow chart ») soit systématiquement présent dans les comptes rendus d’essais cliniques [1].

Figure 2 – Modèle de graphique de flux.

Figure 3 – Exemple de flowchart (INSIGHT)

 

2       Bibliographie

1.  Egger M, Jüni P, Bartlett C, for the CONSORT Group. Value of the flow diagrams in reports of randomized controlled trials. JAMA 2001;285:1996-1999. PMID:

2.  MRC/BHF Heart Protection Study of cholesterol lowering with simvastatin in 20,536 high-risk individuals: a randomised placebo-controlled trial. Lancet 2002;360(9326):7-22. PMID: 12114036.

3.  Moher D, Schulz KF, Altman DG, for the CONSORT group. The CONSORT statement: revised recommendations for improving the quality of reports of parallel-group randomized trials. Ann Intern Med 2001;134:657-662. PMID:

 

 

 

 

Interprétation des essais cliniques pour la pratique médicale

www.spc.univ-lyon1.fr/polycop

Michel Cucherat

Faculté de Médecine Lyon - Laennec

Mis à jour : aout 2009